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Journées d’été 2011 – Clermont-Ferrand - Jeudi 18 août
Mobilisés et solidaires pour manger mieux et manger tou-te-s
Compte-rendu de l’atelier
jeudi 8 septembre 2011, par
En France, pour une alimentation de proximité et de qualité pour tou-te-s, on s’organise pour résister à la pression des lobbies de l’industrie agro-alimentaire, de la grande distribution, de la publicité. Élu-e-s, chercheurs, associations paysannes, acteurs de l’Économie Sociale et Solidaire en témoignent. Ébauche d’un réseau de l’alimentation soutenable.
Compte-rendu de l’atelier "Mobilisés et solidaires pour manger mieux et manger tou-te-s"
Atelier soutenu par EÉLV 94 et EÉLV Ile de France
Atelier animé par Natalie Gandais et Alain Lipietz (conseil fédéral, groupe 5), avec :
Christian Remesy , Nutritioniste, INRA,
Paul Scheffer , Chercheur en sciences de l’éducation, Association de diététique et de nutrition critiques ,
Jean-Christophe Robert, Filière paysanne
Guillaume Bapst, ANDES
Jean-Louis Laville , CNAM LISE,
Cet atelier poursuit le travail engagé depuis 2009 sur la question de l’alimentation soutenable : colloque d’Alain Lipietz le 2 avril 2009 - ateliers et forum Verts et Cédis avec Christian Rémésy et Pierre Ménéton aux Journées d’été de Nîmes - motion Alimentation-Santé votée par le Cnir du 27 septembre 2009 - efforts de nos élu-e-s pour introduire le bio et les protéines végétales dans les cantines, pour modifier l’équilibre des menus malgré les directives gouvernementales (PNNS, PNA et GEMRCN) et malgré les habitudes des cuisiniers, diététiciennes et gestionnaires de la restauration collective etc.
Le jeudi de l’écologie du 14 avril 2011 à Arcueil, auquel étaient associées les commissions Santé et Agriculture, nous avait permis de préciser la dimension culturelle de l’alimentation, la nécessité d’une éducation à l’alimentation, en particulier en direction des personnes défavorisées, et d’autre part le poids et les conséquences sanitaires (diabète, obésité...) de l’action des lobbies de l’industrie agro-alimentaire, de la grande distribution et de la publicité, contre lesquelles s’insurgent les associations de consommateurs. L’approche des épiceries sociales, qui allient aide alimentaire, éducation à la cuisine et chantiers d’insertion pour récupérer des produits frais et même en produire avait été particulièrement remarquée. La fiche-programme 2012 Pour une politique de l’alimentation soutenable est issue des travaux du 14 avril et formule 5 propositions (promouvoir un nouveau modèle alimentaire, réglementer la malbouffe et la publicité, lancer un programme de recherche et d’éducation à la nutrition, créer un réseau de l’alimentation soutenable, et mettre en place des programmes européens, nationaux, régionaux et locaux spécifiques urgents pour la santé alimentaire des plus pauvres).
Aujourd’hui à Clermont-Ferrand, poursuivant l’identification et la mise en relation des groupes d’acteurs qui agissent et militent pour l’alimentation soutenable, nous avons invité des chercheurs et des acteurs de l’économie sociale et solidaire, pour discuter et partager les objectifs que nous souhaitons inscrire dans le programme des législatives et dans la campagne d’Eva Joly.
Parmi les chercheurs, Christian Rémésy rappelle la nécessité d’une politique globale et cohérente de l’alimentation et interpelle EÉLV pour que ce soit un sujet prioritaire de notre programme. Si les PNNS (Programmes nationaux nutrition santé) mis en place depuis 1991ont pu améliorer un peu le comportement alimentaire des Français, le poids du marketing de l’agro-alimentaire et de la grande distribution demeurent bien trop déterminants dans l’instauration d’habitudes alimentaires néfastes pour la santé. Il dénonce la responsabilité des aliments industriels dans l’épidémie mondiale d’obésité ainsi que dans l’augmentation des maladies métaboliques et de la sensibilité aux maladies dégénératives. Il rappelle les principes d’une bonne alimentation (produits frais, variés, peu transformés, en réduisant à 20% l’apport calorique issu des produits animaux), il déplore l’absence de débat et l’insuffisance criante de travaux de recherche sur la nutrition en France, et suggère la création d’un nouveau corps d’ingénieurs en alimentation durable. Il insiste sur la nécessité d’encadrer les pratiques de l’industrie agro-alimentaire et de la distribution. Parallèlement il suggère une campagne de sensibilisation aux enjeux de l’alimentation durable. Toutes mesures qui seraient bien entendu articulées avec une politique agricole facilitant les approvisionnements de proximité et les productions de qualité.
Paul Scheffer, doctorant en sciences de l’éducation et en sociologie, a réalisé un mémoire de master sur « L’influence de l’industrie agro-alimentaire dans le domaine de la nutrition et la place de l’esprit critique dans la formation des diététiciens ». Il y dénonce les liens entre les organisations professionnelles de l’agro-alimentaires (viandes, gras, sucre, céréales...) et les professionnels de l’alimentation qui ont la charge d’élaborer les programmes alimentaires nationaux, le poids des firmes « fleurons de l’industrie nationale » sur le système tout entier de santé publique, qui leur a permis d’avoir gain de cause sur les tentatives des associations de consommateurs pour réglementer la publicité concernant les aliments peu recommandables comme c’est déjà le cas dans de nombreux pays pourtant, au moins pendant les programmes pour enfants. Il dénonce l’écart entre les recommandations publiques très favorables aux produits laitiers alors que l’état de la science invite plutôt à la prudence les concernant, et déplore l’absence quasi complète de débat réel sur ces controverses de grande portée. Paul Scheffer rappelle les difficultés rencontrées pour réaliser et diffuser la « pyramide alimentaire », entravée par des opérations de lobbying menées par certaines branches industrielles, et les procès contre certains chercheurs qui critiquent les produits industriels et leurs pratiques pour défendre leurs intérêts d’ordre économique avant toute chose Les industriels, par le biais d’associations ad hoc, interviennent même dans les établissements scolaires et de formation des professionnels de l’alimentation avec leur « matériel pédagogique » et leurs échantillons de barres sucrées aux céréales, viennoiseries ou yaourts parfumés, afin de faire passer leurs messages promotionnels sous couvert d’information pédagogique, avec succès le plus souvent... Il déplore que la formation des diététiciens soit un Brevet de Technicien Supérieur, délivré en seulement deux ans, qui leur permet d’acquérir les connaissance « officielles » mais ne leur donne pas les moyens d’en apprécier le bien-fondé et encore moins de les critiquer. Ce sont pourtant ces diététiciens qui composent les repas de la restauration collective dès les cantines de maternelle, formant ainsi le goût et les habitudes alimentaires dès le plus jeunes âge. Paul Scheffer a créé l’Association de Diététique et de Nutrition Critiques, qui vient d’organiser son premier colloque sur le thème « Nutrition, intérêts économiques, et pouvoir politique : quelle éducation critique ? » et réclame notamment :
1) Des incitations et des structures plus fiables quant à l’indépendance des experts et de la recherche en lien avec l’alimentation.
2) Une réflexion de fond au niveau de la place de l’esprit critique au sein de la formation initiale des professionnels de santé, vu que les référentiels de formation sont en train d’être revus en ce moment du fait de l’évolution probable de la formation de deux en trois ans.
Lors des États généraux de l’Économie sociale et solidaire du 18 juin dernier, une trentaine de cahiers d’espérance traitaient du thème « Consommer- Se nourrir autrement », s’indignant de la sous-alimentation mondiale et de la pandémie d’obésité, ainsi que de la consommation en masse d’une foule de produits fabriqués dans des conditions sociales et environnementales inacceptables, relevant que l’alimentation est un enjeu de santé publique, que les personnes à plus faibles revenus sont touchées en premier par les méfaits de l’alimentation industrielle, proposant des circuits courts, des moyens pour maintenir et développer une agriculture paysanne de proximité (AMAP), des productions bios ou des systèmes alternatifs innovants, le développement d’épiceries sociales, de jardins solidaires, de responsabiliser la commande publique alimentaire, de mettre en place des actions de sensibilisation et d’éducation à l’alimentation, de protéger les terres fertiles...
Nous recevons l’un de ces acteurs, Jean-Christophe Robert, qui a créé à Marseille l’association Filière paysanne (pour la souveraineté alimentaire locale), ainsi qu’une épicerie de quartier approvisionnée en produits de proximité. Il est engagé dans le collectif Alimentons 2012 qui milite pour la souveraineté alimentaire nationale et qui avait déjà élaboré des propositions en 2010 pour « Alimenter les Régions ». Citant Claude Aubert, il rappelle que la production agricole en France est responsable de la production de 20% de gaz à effet de serre, et que la part de l’alimentation dans nos émissions atteint 30% si on y ajoute le transport, la transformation et le stockage, d’où la nécessité de s’engager vers une relocalisation de notre agriculture et d’orienter celle-ci vers des modes de production durables. Il s’alarme du grignotage inexorables des terres fertiles et souligne la nécessité d’accompagner une politique de l’alimentation par une politique foncière, afin de préserver les terres agricoles à proximité des villes, comme sur l’ensemble du territoire. Le Collectif de défense des terres fertiles des Bouches du Rhône a rédigé une proposition de Loi de Préservation des Terres Cultivables, ce qui rejoint notre combat, notamment en Ile de France, pour préserver l’agriculture sur le plateau de Saclay, la Plaine Montjean, le Triangle de Gonesse et d’autres « territoires de lutte ». Il propose enfin de soumettre le secteur de l’agro-alimentaire et de la grande distribution (près de 80% du marché alimentaire national, selon l’APCE) à des mesures incitatives ainsi qu’à une « cotisation éco-alimentaire » (mesure corrective) pour les inciter à travailler avec les producteurs locaux, sur des bases équitables et responsables (cf page 8 de sa proposition pour un plan de souveraineté alimentaire national).
Guillaume Bapst rappelle que les structures d’aide alimentaire comme les Restos du Coeur, la Banque alimentaire ou les Épiceries sociales sont approvisionnées grâce à des surplus agricoles « non périssables », que par définition ceux-ci ne sont pas constitués de produits frais. Les organismes doivent trouver des solutions pour équilibrer en fruits et légumes leurs rayons et les rations de leurs colis. Il expose comment ANDES (Association nationale pour le développement des épiceries sociales) a mis en place des chantiers d’insertion sur les marchés de gros (Rungis, Perpignan, Marseille, Lille) pour récupérer les invendus et fournir les structures d’aide alimentaire. Il propose que les agriculteurs puissent bénéficier d’une prime pour donner leurs surplus (dans une limite de 10% de leur production) plutôt que d’avoir à payer pour leur destruction.
Jean-Louis Laville souligne le rôle fondamental des acteurs de l’Économie sociale et solidaire pour inventer et apporter des réponses de terrain quand les politiques publiques font défaut, et rappelle les propositions du Labo de l’ESS pour qu’une politique de gauche soutienne et accompagnes les initiatives de l’ESS. Il nous recommande aussi un ouvrage sur les mouvements pour une alimentation responsable et solidaire .
Alain Lipietz, ancien député européen et auteur d’un rapport parlementaire « Pour le tiers secteur. L’économie sociale et solidaire, pourquoi, comment » conclut les introductions en rappelant que la question de l’alimentation (saine) est le point de départ de l’écologie comme science et de l’économie politique telle qu’inaugurée en France par l’agronome René Dumont. Pour les écologistes, il s’agit d’un « noeud » de thèmes et de militantismes, vers : la santé, l’agriculture, le social et les rapports Nord-Sud. Cette séance était orientée sur l’axe : alimentation - justice sociale en matière de santé. Pendant les deux dernières élections, nous avons insisté sur la possibilité de développer la filière bio pour alimenter la restauration scolaire en repas de qualité, financièrement et écologiquement soutenables. Mais cet atelier permet de déployer cette thématique pour la restauration des individus et ménages, à travers le tiers secteur, au niveau de la production, des circuits, et de la distributions (potagers d’insertions, AMAP, épiceries solidaires...)
Xavier Guiomar, qui représente la commission Agriculture, souligne l’émergence de politiques agricoles locales à toutes les échelles, des communes aux régions en passant par les intercommunalités et les départements, bien au-delà de la question des cantines de collèges et lycées. Face au désengagement de l’Etat de l’agriculture et de l’aménagement du territoire, et en réponse à une PAC qui s’intéresse peu aux agricultures de proximité, de nombreuses collectivités ont initié des politiques plus ou moins cadrées par leur « blocs de compétence » respectifs, même si les initiatives de communes ou d’intercommunalités restent minoritaires. Ces actions volontaristes portent sur le foncier (par exemple rachat d’exploitations agricoles par des communes ou communautés de communes pour faciliter leur reprise), sur les structures d’exploitation (aides locales non négligeables souvent ciblés sur l’agriculture vivrière et/ou bio), sur la qualité des produits et des milieux agricoles (labellisation, mesures agri-environnementales…), sur la commercialisation (marques locales, redynamisation des marchés et éventuellement frein à l’installation de nouvelles grandes et moyennes surfaces) et enfin sur la gouvernance agricole locale par le biais d’associations territoriales composées de trois collèges : élus, agriculteurs et associations. Ce qui est intéressant c’est d’observer que certains territoires arrivent ainsi à passer d’une gouvernance foncière, centrée sur la limitation de la consommation de terres agricoles, à une gouvernance agricole puis alimentaire avec par exemple le développement de restaurants d’insertion approvisionnés en circuits courts souvent bio (Pays Voironnais par exemple). Les collectivités locales sont donc aujourd’hui en première ligne du défi alimentaire dans un triptyque plus ou moins dynamique avec la profession agricole d’une part et la société civile d’autre part, cette dernière s’étant dans ce domaine largement renforcée et organisée ces dernières années (Terres de liens, amap…).
Dans ce mouvement pour l’alimentation soutenable, il faudrait encore citer les militants du commerce équitable, les frugheurs, les locavores, les associations de végétariens, les slowfoodiens et autres alterconsommateurs, les articles de plus en plus nombreux dans la presse grand public, des cuisiniers, les associations de consommateurs, ainsi que les cinéastes qui contribuent à la prise de conscience du public et auxquels nous faisons souvent appel pour participer à nos soirées-débats.
Il faudrait évoquer le groupe de diététiciens qui a modélisé l’alimentation « atout prix » pour manger bon et pas cher, les multiples ateliers « cuisine et santé », « santé dans l’assiette » mis en place par des élu-e-s, des centres sociaux, des associations de solidarité alimentaire. Il faudrait évoquer des médecins, des chercheurs, qui font leur possible au sein des ministères et organismes publics pour résister à la pression des lobbies, faire émerger un PNNS mieux en adéquation avec de vrais objectifs de santé publique...
Il faut citer aussi les formations qui se mettent en place ici et là pour aider les responsables de restauration collective à proposer des menus alternatifs végétariens, pour compenser le surcoût du bio ou répondre à la demande des enfants qui refusent de consommer de la viande (ou du porc...).
Concernant la restauration collective, il faut particulièrement s’indigner de la médiocrité des repas servis dans les hôpitaux aux malades qui plus les autres auraient besoin d’une alimentation de qualité, pour se refaire autant la santé que le moral...
La demande populaire pour une alimentation de qualité, à la maison et en restauration collective, l’inquiétude vis-à-vis des aliments qui nous rendent malades et même nous empoisonnent est extrêmement répandue, il ne tient qu’à nous de mettre le sujet au coeur des prochaines campagnes, puisque nous avons des solutions, et de multiples partenaires qui ne demandent qu’à les mettre en oeuvre !
Natalie Gandais
P.-S.
Bibliograhie
Christian Rémésy :
L’Alimentation durable : pour la santé de l’homme et de la planète (éditions Odile Jacob) 2011
Que mangerons-nous demain ? (éditions Odile Jacob) 2010
Jean-Louis Laville
Agir à gauche, l’économie sociale et solidaire (Éditions Desclée de Brouwer) 2011
L’économie solidaire, collection Pluriel (Hachette)
Politique de l’association (Seuil)
Jean-Louis Laville et Antonio David Cattani
Dictionnaire de l’autre économie (Folio Gallimard)
Geoffrey Pleyers (recommandé par JL Laville, livre qui colle exactement au débat sur les mouvements pour une autre alimentation)
La consommation critique - Mouvements pour une alimentation responsable et solidaire (Éditions Desclée de Brouwer)
Salvador Juan (recommandé par JL Laville)
La transition écologique (Éditions ERES, Toulouse)
Eric Roux pour l’Association Nationale de développement des épiceries solidaire
Manuel de cuisine populaire (Éditions Menu fretin, edituer de gastronomie)
Alain Lipietz
Pour le Tiers secteur (Éditions La Découverte)
THEMES
- 1050/3987 Agriculture
- 3987/3987 Alimentation
- 235/3987 Campagne des législatives
- 98/3987 Eau
- 99/3987 Écologie scientifique
- 366/3987 Économie solidaire
- 66/3987 Edito
- 824/3987 Élections
- 1114/3987 Énergie-Climat
- 496/3987 Femmes
- 397/3987 Littoral
- 100/3987 Mobilité
- 960/3987 Mouvement
- 100/3987 Nature
- 883/3987 Nord-Sud
- 1025/3987 Santé
- 1648/3987 Social
- 98/3987 Travail
- 1348/3987 Urbanisme
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